Le salaire minimum au Canada et la croissance économique

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Statistique Canada a récemment émis un communiqué portant sur les hauts et les bas du salaire minimum qui a mis un peu de baume dans le cœur des travailleurs canadiens : le salaire minimum en termes réels (en tenant compte de l’évolution de l’indice des prix à la consommation), qui était de 10,14$ en 2013, est enfin revenu au niveau qu’il avait atteint presque 40 ans plus tôt, en 1975!

En effet, le salaire minimum réel, pondéré selon le nombre de salariés de chaque province, s’était effondré entre 1975 et 1983, à cause de l’inflation et de la récession de 1981, pour se stabiliser pendant les 25 années suivantes entre 8$ et 8,50$. La bonne nouvelle, c’est qu’entre 2007 et 2013, le salaire minimum moyen réel est passé de 8,63$ à 10,14$.

Pourquoi une telle hausse? On peut sans doute l’attribuer à deux facteurs : les pressions exercées par de nombreuses organisations, tant aux États-Unis et au Canada, pour exiger des salaires décents et la hausse du salaire minimum; et la faiblesse des augmentations de l’indice des prix à la consommation depuis la crise financière de 2008, laquelle a permis que les augmentations nominales décidée par les gouvernements provinciaux se répercutent en hausses réelles. L’importance de ce second facteur n’est sans doute pas à négliger, car malgré la crise et les taux de chômage élevés depuis 2008, une étude de Statistique Canada révèle que la rémunération horaire moyenne au Canada, toujours en termes réels (en tenant compte de l’inflation) a elle aussi grimpé, passant de 20,85$ en 2007 (soit à peine plus que le salaire horaire moyen en 1983) à 22,27$ en 2013 (). Une hausse similaire est aussi observée au Québec.

Outre le fait que les hausses du salaire minimum et du salaire moyen contribuent à réduire la pauvreté, ces hausses ont aussi des effets favorables sur l’économie canadienne. En effet, des études entérinées par l’Organisation internationale du Travail (OIT) montrent que la hausse des salaires réels et de la part des salaires dans le revenu national ont un effet positif sur le taux de croissance de la productivité et donc sur la croissance du revenu par habitant. Ces hausses contraignent les entreprises à faire davantage d’efforts pour améliorer leur productivité, tout comme la hausse de la valeur du dollar canadien les force à être plus concurrentielles. D’autre part, parce que le travailleur moyen dépense une plus forte proportion de son revenu que les hauts salariés ou les détenteurs de revenus provenant du capital, la hausse du salaire minimum et du salaire horaire moyen des salariés rémunérés à l’heure accroît les dépenses de consommation et  mène donc à une hausse de la demande globale intérieure. 

Comme le rapporte l’OIT dans son Rapport mondial sur les salaires 2012/13, la réduction de la part des salaires dans le revenu national et la croissance des inégalités (soulignée dans le best-seller de Thomas Piketty, Le capital au XXIème siècle), ont freiné l’activité économique et ont forcé les ménages ordinaires à s’endetter de façon abusive afin de maintenir leur position relative, provoquant ainsi la crise financière de 2008.

Il est donc impératif de continuer à exiger des hausses substantielles du salaire minimum, en espérant que celles-ci auront un effet positif sur toute la structure salariale, la part des salaires et la répartition personnelle, favorisant ainsi une croissance équitable, menée par les salaires. Mais bien évidemment, plusieurs autres mesures seraient nécessaires pour atteindre cet objectif, notamment une législation sur la fixation des rémunérations des hauts dirigeants d’entreprise et les taux d’imposition des très hauts revenus. Le fait que ces mesures aient peu de chances d’être adoptées en ce moment ne doit pas nous empêcher de les mettre de l’avant.

Image: aon. Utilisée sous une licence Creative Commons BY 2.0.