Canada et climat: le temps est venu d'agir pour le gouvernement fédéral

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Mon Dieu, que les élections sont importantes.

En l'espace d'un peu moins de six mois, les Canadiens ont infligé une défaite décisive à deux gouvernements de droite, modifiant considérablement les chances que des engagements significatifs sur le climat puissent être pris par le Canada lors de la COP21.

La communauté internationale, cependant, ne devrait pas se faire d'illusions: des mesures énergiques visant à limiter les émissions de gaz à effet de serre (GES) au Canada, correspondant à l'objectif des 2 °C de réchauffement (pour ne rien dire des 1,5 °C), sont loin d'être assurées. À moins que le nouveau gouvernement libéral ne prenne les dispositions réglementaires audacieuses et ne fasse les investissements publics nécessaires pour mener à une transition vers de faibles émissions de carbone.

Les progressistes peuvent être pardonnés d'avoir nourri un optimisme après dix années passées avec le Premier ministre conservateur Stephen Harper et son gouvernement anti- Kyoto. Pendant une décennie, les mouvements pour les droits environnementaux et autochtones ont affronté un gouvernement content de démonter la législation environnementale et d'ignorer les droits des autochtones afin d'accélérer l'implantation des oléoducs ; un gouvernement qui a délibérément fait du Canada un acteur récalcitrant vis-à-vis des questions climatiques au niveau international et qui n'a pas entrepris grand chose pour lutter contre les émissions.

L'élection en mai du NPD (Nouveau Parti Démocratique) social démocrate à Alberta a cependant peut-être été plus importante encore. C'était la première fois dans l'histoire de cette province qu'un parti progressiste remportait le pouvoir, mettant fin à quarante années de règne conservateur. Alberta, bien entendu, est la région où se trouvent les sables bitumineux, c'est la plus grande consommatrice de charbon, et par conséquent, la région du Canada où les émissions de gaz à effet de serre sont les plus élevées par habitant et où il est prévu que se situera la hausse de la plupart des émissions à venir.

Juste avant Paris, la Première ministre de l'Alberta, Rachel Notley, a présenté un plan d'action sur le climat qui était presque impensable un an auparavant pour cette province dépendante des exportations d'énergie. Le plan comporte une élimination graduelle et rapide du charbon, un prix du carbone pour toute l'économie, des investissements majeurs dans l'efficacité énergétique ainsi qu'une technologie propre et un plafonnement à terme (en cas de difficultés d'application) sur les émissions des sables bitumineux.

Le plan d'action d'Alberta devrait représenter de bonnes nouvelles au niveau international. Cependant Alberta n'est que la dernière province dans la fédération canadienne à s'engager dans le vide de la politique climatique laissé par l'inaction des deux précédents gouvernements fédéraux (à la fois libéral et conservateur). En fait, lorsque la province de l'Ontario présentera l'année prochaine le programme de quotas d'émission cessibles qu'elle a promis, 90 % des Canadiens vivront dans une juridiction avec, en place, une forme ou une autre de tarification du carbone. Alors que cette action infranationale est d'une importance critique, sans une vision fédérale prédominante et un cadre politique permettant de réduire les émissions, ces efforts ne seront pas suffisants pour faire baisser les émissions du Canada.

À ce jour, le discours du nouveau gouvernement libéral du Premier ministre Justin Trudeau s'est montré prometteur. Toutefois, ses bonnes perspectives, loin d'être claires, se traduiront par une politique ou une surveillance adéquate. Le gouvernement libéral ne s'est pas engagé sur des objectifs spécifiques de réduction des émissions lors de la récente élection fédérale et s'est présenté à la COP21 avec le INDC (Contribution prévue déterminée au niveau national) canadienne actuelle portant sur une réduction générale des émissions de gaz à effet de serre de 30 % en-dessous des niveaux de 2005 d'ici 2030.

La nouvelle ministre canadienne chargée de l'environnement a indiqué que son gouvernement considère que ce faible objectif devrait agir comme « ligne de base ». Espérons-le, car si ce sentiment est sincère, le gouvernement doit faire vite pour mettre en œuvre les politiques pouvant assurant une transition vers de faibles émissions de carbone.

À cette fin, l'Institut Broadbent et le Centre Mowat ont publié un rapport en octobre intitulé Step Change. Il énonce sept idées politiques concrètes, en plus de la tarification du carbone, qui constitueraient un programme de gouvernance ambitieux permettant de démarrer rapidement et énergiquement la transformation de l'économie du Canada en la mettant sur une voie plus durable à faible intensité carbonique.

Ces idées portent sur :

  1. La Banque Verte du Canada - Création d'une entité financière sponsorisée par l'État qui favorise de plus grands investissements du secteur privé dans une économie à faibles émissions de carbone par le biais de toutes sortes de mécanismes, comme les rehaussements de crédit, les garanties, les regroupement de projets et la titrisation.
  2. La modernisation du Code des impôts - Une série de modifications apportées au Code des impôts en faveur de l'efficacité énergétique, de l'énergie renouvelable et d'autres technologies durables, soutenues par une élimination progressive des subventions restantes sur les combustibles fossiles favorisant les solutions à faibles émissions de carbone.
  3. L'accélération de l'élimination du charbon - Modification de la législation exigeant des réductions des émissions de gaz carbonique provenant de la production d'électricité à partir du charbon.
  4. Le pacte sur les Immeubles verts - Une série de politiques fédérales sur l'efficacité énergétiques et les énergies renouvelables, notamment une refonte des codes et des normes, un Programme national de profonde rénovation et un programme sur le chauffage à partir des énergies renouvelables.
  5. Un mandat effectué en « donnant l'exemple » - Une série d'initiatives ambitieuses portant sur les institutions et les installations fédérales, notamment sur le chauffage et l'électricité, les transports et l'investissement institutionnel.
  6. Une stratégie de transport propre - Une série de politiques relatives au transport, notamment un impôt progressif sur les émissions des véhicules, un mandat sur les Véhicule à zéro émission et une refonte des dépenses d'infrastructure et des critères de transfert afin d'inclure les objectifs portant sur les GES.
  7. La Bio Stratégie - Une série de politiques faisant la promotion des meilleures pratiques dans les secteurs de l'agriculture et de la sylviculture.

Le fait d'agir dans ces sept domaines aiderait à combler le fossé entre la trajectoire des émissions actuelles du Canada et les objectifs fondés scientifiquement et pour lesquels le gouvernement semble en apparence favorable.

Au Canada, comme ailleurs, le rapport souligne que pour avoir une chance de transformer l'économie, il est primordial d'aller au-delà de la tarification du carbone. D'autant que le secteur public a un rôle essentiel à jouer. Comme l'ont montré de façon convaincante des économistes de l'innovation, tels que Mariana Mazzucato, les gouvernements doivent activement élaborer et créer de nouveaux marchés portant sur les technologies propres afin que la révolution verte puisse jamais se réaliser. Stimuler l'innovation passera par des investissements directs, pas seulement par une foule de crédits d'impôt (tout comme le Canada l'a fait par le passé pour la technologie des sables bitumineux).

Le gouvernement libéral a été élu sur la promesse de faire des investissements significatifs dans l'infrastructure et la technologie verte. Il sera nécessaire de les élargir et de les compléter par un grand nombre des idées exposées ci-dessus. Les libéraux ont également, de manière importante, brisé le tabou concernant l'utilisation du financement des déficits pour financer les investissements nécessaires. Ils devraient utiliser leur mandat donné par le peuple pour prendre les mesures audacieuses et décider des investissements qui sont maintenant nécessaires afin de mettre le Canada sur le chemin affirmé d'une économie à faible émission de carbone.

En dépendent la santé de la planète et une possibilité de justice climatique.

 

Photo: United Nations PhotoUtilisée sous une licence CC BY-NC-ND 2.0